mardi 11 janvier 2011

L’imposture

Cette fille ne cessait de me suivre partout depuis des semaines, si ce n’est des mois. Parfois, il me semblait avoir la paix, mais dès le constat de ladite tranquillité, il ne suffisait que de quelques heures, au mieux quelques jours, pour qu’elle réapparaisse, semi subtilement.

Sans être particulièrement antipathique, ni sympathique, disons-nous-le, elle avait cette aura déstabilisante qui empestait l’hypocrisie à des kilomètres à la ronde, ou des milles, selon la perception.

Malgré les efforts que je déployais pour tenter de savoir où tout cela avait commencé, à me souvenir de la première fois où elle m’avait rendue mal à l’aise, me subtilisant mon énergie, ma confiance, rien n’y faisait. Il y avait longtemps que je la voyais, mais je n’y avais jamais réellement porté attention, jusqu’à un jour, dans un passé qui ne me semble pas si lointain. Ces derniers temps, elle était de plus en plus présente, et parfois bien trop près. Elle me collait aux basques, comme l’aurait dit un Français.

J’ai cru au hasard, je vous l’avoue honteusement, pendant bien longtemps. Peut-être cela me rassurait-il? Je la croisais fréquemment au travail, plusieurs fois par jour, mais ne m’en formalisais point, jusqu’à ce jour, où je l’ai rencontrée ailleurs. Un malaise, un questionnement, un rappel à la raison puis, on retourne à notre vie, on continue notre magasinage. Le hasard, s’il existe bien sûr, peut parfois aller jusque-là, sortir la personne de son « cadre ». Les gens ont une vie, eux aussi.

Elle ne me suivait jamais de très près, se contentant de brèves apparitions puis, disparaissait. Au point où je me demandais si elle avait réellement été là ou si je l’avais simplement imaginée. La fatigue peut provoquer ce genre de confusion, n’est-ce pas? Le doute se faisant trop lourd, il était grand temps de rentrer. Un dernier arrêt puis, retour à la maison.

Cherchant l’huile de noix nerveusement sur les tablettes, tentant en vain d’afficher un air détaché, j’étais morte de trouille. Je ne la voyais pas, mais je sentais sa présence. Peut-on réellement sentir la présence de quelqu’un dans un supermarché, dans une foule d’inconnus? Je me suis pressée, suis passée à la caisse et, juste avant de sortir, alors que j’avais l’impression de m’en tirer gagnante, l’ai aperçue qui marchait dans le stationnement, d’un pas pressé.

Paniquée, j’ai couru à ma voiture et ai pris le chemin contraire à celui qui mène chez moi. Avait-elle réellement été là? Sur le coup, j’en étais convaincue, mais, avec du recul, le doute que mon imagination me joue des tours était grandissant. Je ne suis rien, ni personne, qu’un être vivant qui court pour sa vie. Pourquoi une femme à l’aura démoniaque me suivrait-elle dans mes moindres déplacements?

La question me semblant pertinente, j’ai repris mes esprits et suis retournée chez moi. Mon allée était libre. Étrangement, j’en étais soulagée. Jetant toujours un œil inquiet dans le rétroviseur, au cas où, et la tête comme une girouette, j’ai stationné mon véhicule dans mon allée et ai couru dans la maison, telle une enfant qui se jette sur son lit à partir de la porte de sa chambre, de peur de se faire prendre les pieds par le monstre qui vit sous le lit.

Une fois à l’intérieur, j’ai verrouillé et me suis appuyée sur la porte, les yeux fermés, pour reprendre mes esprits et mon souffle. Mon cœur battait à tout rompre, et l’angoisse me serrait le ventre comme jamais. Elle était dans la maison, je le sentais. Je n’osais pas ouvrir les yeux, j’étouffais, j’avais peur, j’avais mal. J’étais crispée au point de me demander si mes yeux pourraient un jour revoir la lumière.

Soudainement, elle m’a prise à la gorge et une douleur lancinante m’a transpercé le plexus. On me poignardait, me tuait dans ma propre maison, et ce, sans me laisser aucune chance. Puis, je suis devenue molle et j’avais mal. Petit à petit, l’air est à nouveau entré dans mes poumons. J’étais vivante et la douleur semblait s’estomper légèrement.

J’ai ouvert les yeux et elle était là, devant moi. Elle me regardait d’un air absent, paniqué, sa respiration lui faisant osciller les épaules au même rythme que moi. Je me suis touché la tête pour voir si tous mes morceaux étaient là, elle a fait de même. J’ai entrouvert la bouche pour parler, elle l’a fait aussi. À peine soulagée, j’ai enlevé mes bottes et me suis éloignée du miroir.

8 commentaires:

  1. J'adore ce texte! J'en aurais pris des pages et des pages.

    Aussi, bravo pour ton imagination! Vraiment

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  2. Je suis perplexe...

    Pas parce que je n'ai pas aimé le texte...Non, je l'ai adoré.

    Perplexe parce que je m'y retrouve un peu trop...

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  3. Wow ! Vraiment intense !! Super bon !! Ça porte à réfléchir, et moi aussi je m'y suis retrouvée...

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  4. Magnifique texte qui fait réfléchir...

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  5. En conclusion, c'est un texte qui touche les femmes et qui emmerde les hommes... ;)

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  6. Superbe ma chère, que dire de plus...

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