mercredi 21 juillet 2010
La course du bonheur
Hier, sentant un besoin pressant de me dégourdir les jambes et sentant jaillir en moi un courage qui m’était alors inconnu, je décidai d’aller courir en forêt, même si j’étais seule. Comme je serais prise avec mes clés de toute façon (prendre sa voiture pour aller courir, n’est-ce pas ironique ?), je les accrocherais autour de ma taille et, en plus de me procurer une sensation d’inconfort certaine, elles produiraient un bruit agaçant, qui aurait tôt fait de prévenir l’ours de ma présence, tout en mettant mes nerfs à l’épreuve (ou à vif ?), en supposant que l’ours y était toujours.
C’est donc mi-confiante que je sortis de ma voiture et me dirigeai vers la carte des lieux, pour y faire mes échauffements. J’aurais sans aucun doute l’air moins perdu si je balançais vigoureusement les jambes, l’une après l’autre, en me renseignant de la direction à prendre plutôt qu’en regardant le vide, laissant du même coup dans le doute quant à mon état mental tous ceux qui me verraient à l’action.
Une fois ma direction choisie, le sentier Papawétish, ou quelque chose du genre (choix que je regretterais étant donné son manque de piquant), je me suis lancée dans cette « épreuve », constatant avec désarroi qu’un vélo venait de s’y engager. Je n’ai rien contre les vélos. Je tiens à le préciser, puisque je soupçonne les fervents amateurs de ce sport de surveiller tous ceux qui pourraient s’élever contre leur passion dans le but de les éliminer (je ne sais pas si c’est pareil partout au Québec mais les cyclistes sont très chatouilleux sur leur droit, par ici, presque comme le Patriot Act aux États-Unis). Toujours est-il que le vélo en tant que tel ne me dérangeait pas, c’était plutôt l’homme qui le chevauchait qui me causait un inconfort.
Pour m’aider à mieux m’imprégner de ma paranoïa, il eut un problème avec sa chaîne à peine dix pieds après le début du sentier (pardonnez-moi pour l’utilisation du système impérial, je suis plutôt maladroite avec le métrique, déformation professionnelle). Plutôt que de s’acharner sur la réparation de son vélo, il s’est plutôt attardé à me regarder passer, toujours avec un air bizarre. Par orgueil, j’ai quand même emprunté ce chemin, provoquant dans ma tête une série de scénarios rocambolesques.
Environ cinq minutes après le départ, je l’ai finalement entendu arriver derrière moi. Le parc était bondé, mais pas ce sentier, et je ne pouvais m’empêcher de m’imaginer des scènes d’horreur, où cet homme dans la soixantaine, heureux propriétaire d’un air louche, m’attaquait et tentait de me violer. Rien de tout cela n’arriva, évidemment, mais il fit durer le suspense beaucoup trop longtemps, prenant tout son temps avant de me dépasser. J’aurais compris sa lenteur si j’avais porté des pantalons moulants et si j’avais eu des seins d’une dimension apparente, eux aussi moulés dans un emballage lustré, mais il n’en était rien. Je portais un short type basketball appartenant à mon chum (qui pèse cinquante livres de plus que moi) et une horrible camisole de coton qui ne m’avantageait en rien. J’ai continué à alimenter ma folie jusqu’à ce que je dépasse des marcheurs, qui me firent me dire que j’étais maintenant en sécurité. Le reste de la course s’est déroulé rondement.
Mon choix de piste, décevant, n’avait pris que quinze minutes. J’ai donc pris la chance de faire un « croche » dans la forêt, pour voir si j’aimais réellement cela. Oui. Toute ma joie de vivre est revenue dès que j’ai posé le pied sur la première racine. J’ai dû revenir dix minutes plus tard, le soleil baissait dangereusement, et j’étais seule dans le bois, quand même.
Une fois arrivée à ma voiture, un homme et son fils apparemment retardé (il le tenait fermement par le bras et il souriait bêtement) décida que le moment était tout à fait bien choisi pour me faire la conversation. Je l’avais dépassé pendant ma course dans le sentier aménagé et il s’inquiétait de l’état de mes chevilles suite à cette course sur le gravier. Mais pourquoi avaient-ils mis du gravier ? Il me promit d’aller se plaindre à qui de droit, comme si je l’y avais encouragé, et je réussis de peine et de misère à m’en débarrasser, embarrassée.
Suite à cette aventure, j’ai conclu que j’y retournerais assurément très bientôt, mais certainement pas seule. Pas parce que j’avais peur de me perdre ni par peur de l’ours, mais plutôt par crainte de tous les gens bizarres, « pas cernables » comme dirait mon chum, qui finissent par nous faire plus peur que la menace qu’ils représentent en réalité.
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