dimanche 3 juillet 2011

Rapaces

J’avais en tête de vous entretenir de la mémorable fin de semaine, de notre virée éclair au pays des baleines, et j’étais très inspirée. J’ai fait une grosse erreur, je n’ai pas mis cette expérience par écrit hier. Mais pourquoi pas ce soir, vous entends-je déjà crier, à pleins poumons, pour que je vous entende d’ici? Parce ce soir, alors que je faisais le plein « d’air pur » en poussant mon fils dans sa poussette bleue, pas très loin dans le quartier, il s’est passé quelque chose.

Après avoir traversé le boulevard, celui qui sépare mon quartier de son voisin immédiat, des sirènes de pompier se sont fait entendre. Mon fils, Patus (selon ses dires), adore tout ce qui a des roues, avec ou sans moteur, spécifiquement les « gros gros gros pamions de pompiers ». J’ai pensé rebrousser chemin pour les voir passer à vive allure, mais je me suis dit que j’étais pathétique de courir après la misère des gens. J’ai donc continué ma route en lui expliquant que les camions passaient loin loin.

Soudainement, les sirènes ont plutôt semblé se rapprocher de l’autre rue passante, celle qui compléterait mon trajet habituel jusqu’à mon quartier. Alors que nous tournions sur ladite rue, les camions sont arrivés, en trombe, toutes sirènes criantes. À leurs trousses, des marcheurs, des automobilistes, des gens qui, contrairement à moi et à quelques marcheurs habituels, n’étaient pas là pour profiter du paysage.

En les voyant, tous, trop nombreux, j’ai aperçu l’épais nuage de fumée qui s’échappait d’une maison que je ne voyais pas. Je suis sensible. Beaucoup trop. Pendant que je tentais d’expliquer à Patus pourquoi les pompiers allaient si vite vers la fumée, ma voix tremblotante, non fonctionnelle m’a trahie. Après lui avoir expliqué qu’il y avait un feu, et que les pompiers allaient mettre de l’eau dessus, j’ai fait une parenthèse, insistant sur le fait que tous ces gens étaient là pour mettre l’emphase sur la détresse de ceux dont la maison se consumait.

Nous avancions toujours, et mon chum, qui joggait, nous a rejoints. C’est là que, de notre nouveau point de vue, nous avons vu les flammes qui montaient dans le ciel. Beaucoup trop haut pour être un feu de barbecue ou de remise. Au loin, d’autres sirènes. Des renforts pour les quatre camions déjà en place. Les curieux étaient si nombreux que j’en ai eu la nausée. Oui, j’ai arrêté pour regarder, parce que la violence de l’incendie était prenante, mais jamais je n’aurais osé aller me stationner, sortir de mon véhicule, m’installer avec la meilleure vue possible du spectacle et regarder avec une curiosité sale la détresse de ces gens.

« Comme ma maison est en pleine forme et que j’ai du temps à gaspiller, je me suis dit, pourquoi pas aller regarder une famille en détresse de voir sa maison partir en fumée? ». Si ça n’avait été qu’un cabanon, ces gens auraient-ils poussé l’audace jusqu’à dire « Ah, ce n’est que ça? » plutôt que « Ouf! »?

Pendant le reste de notre marche, alors que je hoquetais de tristesse et de rage, parce que ça me touche de vivre dans ce monde, et de savoir que des gens ont passé de leur maison à la rue, j’ai détesté mon choix d’itinéraire, parce que pour tous les autres qui marchaient, j’étais comme eux, une senteuse quand, en fait, c’est tout le contraire.

Finalement, mes belles baleines ont été surclassées, mais j’y reviendrai, cette semaine, quand j’aurai conquis le ménage de ma maison. Je tente encore de m’adapter à mon statut « sans femme de ménage ». J’y parviendrai. Mais quand? Une question comme ça, est-ce qu’on finit par aimer ça, torcher, ou est-ce que c’est uniquement inné?

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