C’est drôle parce qu’autant ai-je
longtemps été apte à écrire que maintenant, tout semble ardu. Commencer un
texte, construire un texte, développer un texte. On dirait que je suis
incapable de mettre les idées en forme. C’est comme si chaque fois que je me
retrouve devant mon écran, je me sens exactement comme quand je veux raconter
un rêve qui me semblait si clair au réveil… et que plus les secondes passent, plus
j’essaie de le décrire en mots, moins ça a de sens.
Pour ceux qui me connaissent,
2017 est une grosse année. En plus de mon remplacement d’un collègue qui m’a
emmenée en Chine deux fois, ma séparation, qui se transforme tranquillement en
divorce, mon déménagement, mon changement de département au travail, mon
changement de voiture, d’institution financière, l’arrêt du sucre, ma guitare,
mon nouveau chum… il y a la découverte
de moi-même.
J’ai souvent pensé que j’étais
folle, ou stupide, ou mésadaptée… je n’arrivais pas vraiment à l’expliquer, un
peu comme rêve. Maintenant, un ami de quelques années, avec qui j’ai des
affinités surprenantes, m’a fait découvrir tout un tas de trucs à mon sujet.
Ben oui, par personne semblable et interposée.
L’homme en question pense trop,
ben trop. Il n’arrête jamais. Il se remet en question 3600 fois à l’heure. Les
gens le perçoivent tout de travers, comme un narcissique sans merci, un peu
comme ils le font avec moi, mais avec des options différentes. À force de se
parler de tout et de rien, mais surtout de tout, il a fini par me pondre qu’il
est un humain à haut potentiel, un surdoué. Bon, j’avoue qu’il torche, mais le
terme est fort, non?
Je fais « bah voyons tsé,
moi je suis vraiment pas surdouée. Je suis plus souvent conne que wow ». J’ai
fini mon bacc comme j’ai pu et je ne suis pas particulièrement brillante,
surtout dans les domaines qui m’emmerdent. À force de le laisser me garrocher
des articles dans les dents, j’ai fini par comprendre que le terme « surdoué »
ne s’applique pas exclusivement aux enfants génies, ceux qui cassent la
barraque, qui font des intégrales triples en troisième année, qui sont capable
de comprendre le système politique des pays nordiques à la maternelle. Non. Un
surdoué, c’est juste quelqu’un qui fonctionne différemment, et dont le cerveau
n’arrête jamais, et dans lequel les associations se font en réseau plutôt qu’en
série, un peu comme les lumières de Noël.
J’ai lu des choses qui m’ont
bouleversée. Pas tant que je suis surdouée, parce que le terme me dérange
encore, mais parce que je ne suis pas seule dans le bateau. Des choses qu’on m’a
reprochées, les fois où on a dit que j’étais impolie, méprisante, incompétente,
mésadaptée, bizarre. Je pensais que j’étais juste « tout croche »
alors que je suis juste différente. Ouais, on est tous uniques mais entendons-nous
pour dire que si le système est fait d’une façon, c’est qui est compatible avec
une majorité, et je ne semble pas en faire partie. On pense.
Donc là, du coup, je me rends
compte que les surdoués, ils sont en constante ébullition. Probablement qu’ils
n’ont pas tous besoin, ou pas au même niveau, de faire des mots avec les
plaques d’immatriculation, mais c’est certainement un « symptôme ».
Et ils sont souvent hypersensibles. Sensibles aux émotions des autres, aux
textures, odeurs, images… Un surdoué, ça dessine souvent quand les autres
parlent. Et ça gigote. Et ça se laisse émotionnellement atteindre par les
animaux, les histoires tristes, les injustices. Une chose qui m’a frappée, c’est
que les surdoués, et le terme m’agace encore, ils savent les choses mais sont
souvent incapables de les expliquer. Je me revois TELLEMENT en train de tenter
d’expliquer les règles du français à mes pairs. « Pourquoi ça prend un e?
Euh… ben voyons, c’est évident, regarde comme c’est bizarre sans e…. » Bon,
ça semble épais tout ça, mais je suis partie de chez un ami récemment parce qu’il
y avait une personne triste/fâchée et que j’étais incapable de ne pas le vivre
pour elle. J’étais en train de me rendre malade. Si ce n’est pas de l’hypersensibilité,
qu’on me pende à l’instant.
Quand j’ai lu l’article sur les
humains à haut potentiel, je me suis dit « tout le monde est comme ça ».
Pourtant, pas tant non. Je ne sais pas si on est plus nombreux dans certains
domaines, parce que je semble entourée de plusieurs au travail. Mon ancien
patron, je l’exaspérais des fois parce que je sentais quand il n’allait pas. Et
je le sentais férocement. Pourtant, il le cachait, et bien. « Comment ça
se fait que tu sais ça? » Je le sentais, c’est tout. Et longtemps, ça m’a
fait mal de voir que les gens ne me ressentaient pas comme moi je les
ressentais. Dont mon ancien patron. J’étais juste incapable de m’exprimer et j’aurais
aimé qu’ils me devinent. Au fil du temps, j’ai trié mes fréquentations, plus ou
moins en fonction de cet aspect de moi.
Autre fait intéressant, les
surdoués ont un sens de l’humour particulier. Particulier autant dans l’émission
que la réception. Je fais marrer les gens. Mais juste avec ma façon d’être on
dirait. Ou ils m’haïssent pour me battre, c’est selon. Une chose difficile, c’est
que tout ce qui m’est apparu ces dernières années, l’anxiété en autre, les
crises de panique, c’est tout interrelié avec l’hypersensibilité et l’incapacité
de m’arrêter. On m’a dit récemment que j’avais changé, qu’il y avait une « nouvelle
moi ». Donc, pour être certaine que j’ai bien compris les auteurs de ces
propos, l’évolution est en quelque sorte une transformation, une mutation, un
cancer?
Me faire dire que j’étais une
nouvelle personne, qu’on ne me reconnaissait plus, ça m’a fait chier. Pas mal,
chier. Je devrai me montrer désolée pour ceux que je risque d’heurter, mais l’humain
est un être d’évolution. Il apprend. On lui souhaite du moins. Si une personne
reste « la même » pendant 5-10-15 ans, je devrai vous dire qu’on a un
sale problème. Et je ne parle pas ici d’acquisition de connaissances techniques
mais bien d’apprentissages sociaux-humains-émotionno-comportentaux. J’ai lutté
pendant bien longtemps parce que je voulais être « normale ». Je
voulais être « comme les autres ». Je voulais m’amuser dans les
partys, m’intéresser aux futilités qui intéressent la masse, mais ça faisait
juste pas.
Un jour, j’ai décidé de demander
de l’aide, de consulter. J’avais besoin d’apprendre à me comporter, d’être un
humain convenable. Étrangement, de toutes les choses que ma psy m’a apprises,
devenir « normale » n’en fait pas partie. Elle a plutôt travaillé à
me faire admettre que ces « anomalies » étaient en fait des
particularités, au même titre que certaines aptitudes artistiques et sportives.
Que le fait d’évoluer n’était que positif et qu’il permet de vivre avec
soi-même. Si certaines personnes sont incapables de vivre avec les évolutions,
les changements, c’est que la relation n’a plus de raison d’être. J’ai des amis
de qui je me suis lassée. Et je me sentais exigeante et compliquée. Alors que c’est
plutôt la ligne du temps qui suit son cours. Comme les dinosaures qui sont
disparus. Je suis « victime » de ma vie, de mes expériences, de mes
émotions.
Si je suis réellement surdouée,
mais flûte que le mot me dérange, je tiens à vous dire que c’est dur. Si j’avais
eu le choix, j’aurais choisi d’être comme les autres. De pouvoir m’amuser
facilement, de dormir la nuit, d’avoir des millions d’amis, de ne pas
constamment me remettre sérieusement en question et surtout, surtout, de ne pas
avoir à me taper les émotions des autres en permanence. Mais la vie étant ce qu’elle
est, quand on a pigé dans le sac à costume pour moi, c’est ce qui en est sorti.
Malgré tout, quand je fais la liste de mes valeurs, intérêts, aptitudes, je
suis maintenant capable d’en venir à la conclusion que je suis un bon humain.
Une bonne personne. Une personne empathique, trop mais j’y travaille, et qui se
soucie réellement des gens. Je comprends maintenant qu’être aimé de tous n’est
non seulement pas possible, mais pas non plus souhaitable. Heureusement, et ça
a peut-être l’air vantard mais j’assume, je suis cute. Quand je me regarde dans
le miroir, je me dis « au moins, j’aime ce que je vois, sauf que je me
ferais bien encore percer là, là et là… ».
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