mardi 14 juin 2011

Le syndrome de Dieu

Pros dans l’art de briser le moment, de tuer l’ambiance, de détruire le moral des troupes, de raconter des anecdotes dont on se torche, de toujours se mettre le nez dans ce qui ne les regardent pas, ces gens, appelons-les les gourous de Dieu, puisqu’au fond, ils en savent bien plus que Lui, sont partout.

Je porte fièrement quelques maladies mentales légères, socialement acceptables, dont celle qui nous intéresse aujourd’hui, la large bulle à trois faces. On a tous une bulle, nous devrions, du moins, qui nous permet d’avoir une certaine intimité, d’être confortable en public. Pour certains, cette bulle est élastique, moulante même, et laisse aisément place aux rapprochements, désirés ou non. Pour ma part, ma bulle est obèse, morbide même, et est munie d’un détecteur de présence humaine sur la face arrière, dans un rayon assez grand, ce qui m’empêche, psychologiquement et physiquement d’être dos à un groupe de face (position communément appelée « dans le milieu » d’un groupe). J’essaie, j’essaie, mais je ne suis pas capable. Tout comme je suis incapable d’être « trappée » dans un coin où des gens m’encerclent. Même de bons amis. Outre mon mari et mon fils, personne ne peut.

Parmi les autres particularités de ma bulle, il y a le fait qu’elle est adaptative. Elle sait détecter les esprits psychologiquement malveillants, et je fige en leur présence, telle une perdrix, afin d’éviter qu’ils n’aient le goût de me parler. Les gourous de Dieu agissent de façon instantanée sur ma bulle adaptative. Lorsque mon camouflage n’a pas fonctionné, que le gourou a senti ma présence, qu’il m’a vue et que, pire encore, il a envie de me parler, je passe en mode « condescendance ». Pas fine, pas intéressée, pas de service, comme dirait ma grand-mère. Si le gourou en présence est disciple du sarcasme, il tend à se rétracter et à se sauver, faute de bonne volonté de ma part, mais sinon, ce qui est trop souvent le cas, il reste là à accepter mes « Ah ouiiiiiiiiiiii… », « pas sérieux » et mon absence d’intérêt comme s’il était un roi de la scène.

Les gourous de Dieu ne sont jamais « méchants », mais ils ne sont pas sympathiques non plus. Peu importe le sujet, le petit bonheur qu’on veut partager, la bonne nouvelle, la découverte, ils ont tout vu, tout goûté, tout touché et Eux-mêmes savent à quel point ils ont les sens plus aiguisés que tout le monde. C’était plus beau, meilleur et plus doux. Un d’entre eux, un jour, m’a même remise à ma place à propos d’accouchement et de menstruations. Il connaissait ça, lui.

Il y a un de ces gourous à mon travail. Hier, il a mangé à côté de moi. Dans MA bulle. À une époque, je l’aurais gossé jusqu’à ce qu’un de nous deux meure au bout de ses souffrances. Hier, je me suis sauvée, je ne lui ai même pas laissé le temps de m’entendre parler. J’ai acheté la paix « pas cher pas cher ». J’ai eu l’air antisociale et impolie, sans plus.

J’ai un oncle du genre. Il a environ cinq « pas de diplôme », d’études abandonnées parce qu’il en savait plus que le professeur. Ces gens-là m’écoeurent. Le pire dans tout ça, c’est que si vous êtes un de ces gourous, vous ne vous reconnaissez sans doute même pas dans ces lignes. Étrangement, il semble n’y avoir aucune solution. Quelqu’un à une idée?

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