Apocalypse
Ce mot, par sa simple existence, évoque la chaleur, le feu, l’air irrespirable. On entend des cris, des pleurs, des bombes qui explosent, des coups de feu. Et si cette vision de la fin du monde était fausse? Si en fait, la fin du monde était plutôt lente et sournoise, si elle se manifestait, soudainement dans les espaces verts, les forêts pures, si on ne la voyait pas? S’il suffisait d’un insecte petit, quasi invisible, semblable à un grain de beauté pour tous les presbytes de ce monde?
Dans les pays chauds, les insectes peuvent donner la mort. On se contente de notre climat nordique en se disant, pour se consoler plus qu’autre chose, qu’au moins, nos petites bestioles sont inoffensives, qu’elles ne jouent que sur notre patience. Et si, tout à coup, nous perdions cette pureté, cette sécurité, que se passerait-il? Que ferions-nous si demain matin, on apprenait qu’on peut endommager notre système nerveux en se faisant parasiter par une tique si petite qu’on la voit à peine?
Avec la peur de l’apocalypse vient inévitablement l’exagération, la panique, la naissance de nouvelles maladies mentales.
En effet, on peut découvrir une tique sur le ventre de notre enfant un après-midi, par hasard, et se rendre compte qu’elle y est peut-être depuis des jours. Puis, on se fait dire, trois fois plutôt qu’une, qu’une tique, ça ne s’attaque pas aux humains. Pourtant, on l’a bien vue, et elle ressemble étrangement à la photo de tique sur internet. Vient ensuite la recherche sur le plus grand réseau de terreur ayant jamais existé, on y trouve facilement et rapidement la peur que l’on cherchait. Une fois cette peur installée, on cherche du réconfort par les moyens disponibles. On répand la nouvelle, on se bourre, on se croit.
Ensuite, il se peut, étrangement, qu’on ait un accès à la vilaine médecine à deux vitesses. On se vante bien d’être contre, quand tout va pour le mieux, mais on s’en sert pour s’autocalmer. Finalement, la médecine trouve les bons mots pour nous réconforter puis on attend la suite. On regarde la minuscule tique, si petite, se balader à la va-comme-elle-le-peut, dans son petit contenant de plastique avec « tique » écrit en rouge à deux endroits. Elle existe, mi-brune, mi-grise, avec ses minuscules pattes rouges. On a peine à s’imaginer que cette bestiole pourrait réellement représenter un danger, qu’elle pourrait rendre notre bébé malade.
On y a cru, pendant un temps et, soudainement, on se sent con. Demain, on ira confier cet être vivant, s’il l’est encore, au pathologiste de l’hôpital pour qu’il puisse constater, ou non, le danger, s’il en est. Cet insecte, qui a migré chez nous récemment, pourrait, si toutes les étoiles étaient parfaitement alignées, poser un danger réel. La morsure rouge pourrait devenir une plaque, et s’étendre. Il pourrait y avoir fièvre, frissons, douleurs. En écrivant ces mots, j’ai peine à croire que j’y ai réellement cru, plus tôt aujourd’hui. Si je dois me présenter moi-même pour remettre la bête, j’aurai honte. La personne qui la recevra prendra le bocal de plastique, déjà petit, et cherchera des yeux son contenu. Je me confondrai en excuses, croyant que si jamais l’ennemi n’est même pas une tique, finalement, je me serai préparée à passer pour folle.
À suivre.
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