Pendant un souper en amoureux au
restaurant, en train de déguster une incroyable soupe à l’oignon à la bière, en
pleine discussion profonde et personnelle, un malaise nous a frappé de plein
fouet. Cet être humain, dont l’existence nous est brutalement rappelée dès
qu’on l’aperçoit, pour qui nul d’entre nous n’a jamais démontré un quelconque
intérêt, a cru bon arrêter jaser.
Je ne dis pas, si je l’avais fixé
alors qu’il passait près de ma table et qu’il s’était senti obligé d’être poli,
ou que mon chum avait fait de même… Mais non. Nous étions bien occupés à vivre
sans lui, heureux d’être.
Reconstitution :
Mon chum, en train de manger un
pogo de luxe.
Moi, occupée à me brûler le bord
de la bouche avec mon exquise soupe.
Lui : « Salut vous
autres!! » (beaucoup trop enthousiaste)
Nous : « Salut »
(inintéressés et impatients)
Lui : « Souper de club
social de bureau ».
Moi : [On s’en torche un
peu] Ah, c’est toi ça la réservation de 40.
Mon chum : « Ben nous
autres on est deux ».
Lui : Collé à notre table,
sans rien dire d’autre, à ne pas s’en aller.
Moi : [OK bye. Je ne t’aime
pas. Ta vie ne m’intéresse pas. Tu ne vois pas que tu déranges. Pourquoi tu
colles. Vais-je devoir être méchante et te demander si tes amis te rejettent?
Regarde-moi bien la face, est-ce que j’ai l’air contente/à
l’aise/enthousiaste/sympathique? Tu vois bien que non. Alors BYE!]
Mon chum : Ne parle pas plus
que moi, ne le regarde pas, mange. Me lance des regards crampés de rire.
Moi : Je casse mes croûtons
dans ma soupe question de les humecter un peu. C’est vraiment des super
croûtons qui refusent d’absorber le liquide. Je lève les yeux. Il est toujours
là. [DÉGAGE!!]
Puis, devant toutes ses secondes
utilisées à des fins nébuleuses, il a fini par partir. Nous ne nous rappelons
pas s’il a dit bonsoir en s’en allant. Toutes ces secondes où la vie sans lui
s’est arrêtée, c’était un peu comme être privé d’air…
Fin de la reconstitution.
Peut-être ne puis-je pas
comprendre parce que je ne suis pas si sociable et que je n’ai jamais voulu
être socialement impliquée, que ce soit à l’école, au travail, même dans la
famille? Moi, quand je vois des gens que je connais au restaurant, je me baisse
les yeux et je prie pour qu’ils ne m’aient pas vue. Si j’échoue, je me contente
d’un sourire et d’un signe de tête, dans le cas où c’est quelqu’un que
j’apprécie, ou d’un roulement d’yeux et d’un haut-le-cœur dans le cas
contraire. Si je rencontre quelqu’un dans la salle de bain, je peux peut-être
échanger quelques banalités, tout en me souvenant que je suis accompagnée par
quelqu’un qui sèche à la table. Jamais je n’oserais m’approcher de la table de
quelqu’un, à moins qu’on m’y invite et même là, je risquerais de faire semblant
de ne pas entendre et de me pousser.
C’est un autre symptôme du
capitalisme, je suppose. Fuir les communes et traîner sa petite bulle partout.
J’adore l’idée.
Pour finir, je viens tout juste
d’envoyer mon texte pour le prix de la nouvelle Radio-Canada. Je pense que
c’est mon meilleur jusqu’à maintenant. Pas trop simple, psychodépressif à
souhait, avec des belles grandes phrases pleines d’adjectifs, comme je les
aime. J’ai hâte que les finalistes soient connus, soit pour en faire partie,
soit pour la publier. Bonne soirée!
Je suis un solitaire naturel. Lors de rencontres spontannées, j'ai tout de même appris à socialiser un peu, pas trop, juste assez. C'est surprenant, on a parfois intérêt à connaître certaines personnes dans un environnement nouveau.
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