Les gens meurent, c’est bien
connu. Pourtant, chaque fois que la mort d’un proche frappe, je saisis. Il est
vrai que la mort est un passage oblige qui mène vers l’inconnu, ou rien selon
les croyances personnelles de chacun, mais il demeure intéressant de constater
à quel point ce phénomène est déstabilisant, du moins pour moi.
J’ai un problème avec la mort,
puisque je ne sais pas où ça mène, mais là où le malaise est plus grand, c’est
que j’ai vraiment du mal à saisir la convention sociale autour de la mort dans
notre culture. Ou encore, je la saisis tout à fait et je la trouve inadéquate.
Poche serait aussi un terme acceptable. Préférable même.
Je ne comprends pas pourquoi on s’acharne
à maintenir les gens beaux alors qu’ils sont morts. Le mot « mort »
vous choque? Loin de m’en excuser, je vous invite à lire ce billet, déjà vieux
de deux ans, mais tiré de ma meilleure année. Toujours est-il que si c’était
moi qui décidais ce que les gens font, une fois morts, ce serait tout simple :
on les brûle, on les met dans un beau petit contenant moulé dans le métal de
notre choix, on fait une petite « fête » où on oublie les mauvais
côtés du défunt (mort) et ensuite, chacun vit son deuil sainement à sa manière,
selon sa relation avec la mort et avec le mort. Pas de niaisage de le mettre
dans le frigo, de le vider, de le re-remplir, de le maquiller comme on peut et
de l’exposer.
Chaque fois dans ma carrière de
visiteuse de salon funéraire, j’ai été traumatisée par le mort. Non, il ne se
ressemble jamais. Il a le teint gris ou jaune, les joues renfoncées et les
lèvres cireuses. Je ne critique en rien les embaumeurs, c’est tout le principe
qui me déstabilise. Je préférerais seulement me souvenir du mort à l’époque où
ladite mort n’était qu’à l’état de projet.
Nous avons un nouveau mort dans
la famille. C’est tout récent et je suis sous le choc. C’était l’oncle de mon
chum et nous avions travaillé ensemble un été entier, il y a dix ans. C’était
un passionné de plein air, chasse et pêche. Il aimait Chibougamau, c’est bien
pour dire. Un jour il a eu mal au ventre, mais sa journée de plein air ne
pouvait attendre. Il s’est avéré plus tard qu’après une suite d’événements, il
est mort.
Tout à l’heure, je l’ai trouvé
con d’avoir ignoré sa santé pour faire quelque chose qui pouvait attendre. On
sait tous, maintenant, que « S’il avait… » (c’est déjà trop tard). Après
avoir fait mijoter la réflexion, je réalise qu’au fond, la simple idée pour lui
de rester immobile à la maison représentait une sorte de mort. Alors il a vécu
fidèlement à lui-même, et ce jusqu’au bout.
La famille de mon chum, c’est ma
famille. J’ai de la peine. L’idée de savoir qu’il est mort « heureux »
ne diminue pas cette peine. Par contre, le simple fait d’avoir relativisé ce
que je lui « reprochais » m’a apaisée. C’était ma réalité à moi, de
préférer ma santé au reste. La sienne était différente, et personne ne peut
dire qui avait raison. Heureusement, il avait choisi ce qui se rapproche le
plus de ma vision de la mort. Je pourrai admirer son urne. L’image dans ma tête
sera belle et ne me rappellera pas sa mort.
Finalement, je n’ai pas écrit ce
billet dans le but d’avoir une tonne de condoléances ni de réconfort. C’est
quand même assez loin de moi pour bien aller. Et n’allez pas croire que ce
texte se veut un avis de décès (fiche de mort?). Ce n’est qu’une façon pour moi
de vous partager mon malaise face à la mort.
Je ne sais toujours pas comment me comporter lors de funérailles. Je ne vais pas aux funérailles dans ma famille.
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