Le souffre-douleurisme, ou l’étonnante tendance d’une personne à attirer les coups, les railleries, et à éloigner les amis, va au-delà de la tendance populaire, de la rumeur, de l’entraînement social, de l’effet de foule. Bien sûr, dans un même village, ou un quartier, les gens se parlent, se suivent, s’encouragent, et il est fort tentant de croire que c’est l’effet de foule qui fait d’une personne un souffre-douleur, un mouton noir. Pourtant, il n’en est rien.
Changez la victime de milieu, de ville, de province, de planète, et vous risquez de constater, avec effroi et perplexité, que cette personne ne s’en trouve pas mieux. Si ce n’est pas pire. En effet, quoi de mieux que l’impression prématurée de s’en sortir pour ajouter de l’arrogance à une colère refoulée? Résultat, le souffre-douleur veut prouver dans son nouveau milieu qu’il n’a pas la guigne, et a tout simplement l’air encore plus confortable pour les jointures que dans son ancien habitat.
Non, cet état de chose ne s’applique pas seulement au souffre-douleur. On entend beaucoup parler des femmes battues, qui tendent à toujours retomber dans le même panneau, et à remplacer un batteur par un autre. J’ai aussi déjà connu une femme qui finissait toujours par se retrouver en couple avec des camionneurs, malgré tous ses efforts pour s’en sortir, et à détester sa vie, seule à la maison avec un conjoint courailleux aux quatre coins de l’univers.
Constat, il semblerait que tout cela soit une question d’attitude. La femme battue n’attirerait pas les batteurs de femme, mais ferait plutôt sortir le côté violent de l’homme. En considérant que cette information est exacte, et en traitant le cas de la femme de camionneur comme un cas inexpliqué, à moins d’un changement radical de ma part, je suis vouée à me faire « flusher » pour le reste de l’éternité.
D’aussi loin que je me rappelle, les gens n’ont jamais vraiment cru bon tenir leurs promesses « sans importance » avec moi. Je suis donc le souffre-douleur des promesses, la femme battue des propositions de sortie annulées. Conclusion, malgré mon changement d’attitude, ma confiance, mon désir de ne plus douter, j’ai eu tort. J’ai cru que ça s’améliorerait avec le temps, mais non, c’est comme ça, point final.
Historiquement, j’ai presque toujours été « flushée » par des filles. Sauf un collègue qui a osé me délaisser deux fois pour aller dîner, même après que je lui aie fait promettre, la deuxième fois, de ne pas m’abandonner. Sinon, c’est presque exclusivement un trouble que j’ai avec les femmes. La solution serait de n’avoir que des hommes pour amis. Malheureusement, l’amitié homme-femme n’existe pas. C’est donc un problème sans solution.
J’aurais envie de faire le même coup à quelqu’un, une bonne fois, pour en ressentir la satisfaction. Il y a forcément un certain plaisir à y retirer, puisque ça revient sans cesse. Pourtant, j’en suis incapable. Pourquoi? Parce que, même si ce n’est qu’une vulgaire séance de magasinage, un café, une marche, il se peut que la personne aie des sentiments, qu’elle aie besoin d’une oreille, de compagnie, de se changer les idées ou seulement de se divertir. Il se peut aussi qu’elle ait seulement envie de croire que les gens ont encore un minimum d’intérêt envers la race humaine.
Sur toutes ces bonnes paroles, bonne soirée.