En voguant sur Facebook, j’ai été heurté, non pas par un Iceberg (mon fils est vraiment un fan du Titanic) mais par une publication invitant à signer une pétition pour la démission de Madame Denise Bombardier, accompagnée d’une image modifiée de Madame avec des tatouages ajoutés. Je ne m’en cache pas, j’aime les tatouages et la publication a été partagée par un de mes deux tatoueurs préférés. Je suis donc allée lire l’article afin de me renseigner convenablement dans l’éventualité où je voudrais signer ladite pétition.
Le titre de son article, publié dans le “prestigieux” et “pertinent” Journal de Montréal, “Être à la mode”. J’ai lu l’article une fois. Comme sans doute la majorité, je me suis laissée distraire par la partie qui aborde le tatouage. Peu fière de ma fermeture d’esprit, j’ai relu une deuxième fois. C’est là que j’ai compris que je ne suis visiblement pas du niveau intellectuel approprié pour apprécier la “littérature” de Madame car je n’ai pas compris où l’on allait avec ce texte d’opinion. Je vais donc, sans m’en cacher, concentrer mes efforts sur la partie facile et revenir sur son opinion des tatoués.
Je dois admettre que ça choque. Cependant, je ne suis pas neutre dans la situation, portant moi-même quelques petites taches d’encre çà et là, dont une qui date de dimanche dernier, qui n’a pas encore fêté ses 48 heures. Voici donc, en citation intégrale, le court paragraphe dont il est ici question.
“Pensons à la mode du tatouage, qui s’est répandue chez les jeunes aujourd’hui adultes en instance de vieillir. Cette altération du corps de manière quasi irréversible a transformé des êtres en monstres, en personnages de mauvaises bandes dessinées, bref en personnes déshumanisées. Les bras recouverts de dessins aux couleurs criardes, de citations, de dates, de signes cabalistiques, des torses décorés de bêtes fantasmagoriques, d’oiseaux de proie, de papillons bientôt flétris avec l’usure du corps en disent long sur les intentions de ces tatoués. Sur leur incapacité surtout à retrouver leur propre corps. Quelle angoisse cela peut devenir chez ceux qui éprouvent un jour du regret de s’être ainsi mutilés.”
Et maintenant, ce qui me perturbe MOI, personnellement, et fort probablement parce que je suis tatouée : les notions de monstres, personnages de mauvaises bandes dessinées, incapacité à retrouver leur propre corps, et intentions. Ah, les regrets aussi. Voilà, vous savez pourquoi je suis frue.
Je profiterai donc de cette ouverture pour appliquer les mêmes concepts à d’autres modes, styles de vie, tendances. Je n’ai rien contre la plupart des exemples à suivre, et je suis beaucoup pour “laisser vivre” mais je profite de l’occasion pour ventiler.
Pensons simplement à la teinture dans les cheveux. Je ne parle pas du bleu et du vert, ou des couleurs criardes. Je pense au blond, au brun, roux, et même à recouvrir les cheveux blancs tout simplement. Je comprends que la teinture est un processus réversible. Mais ne s’agit-il pas exactement d’incapacité à retrouver notre propre nature? Oui. Et pourtant, il y a une publicité très positive, une notion de luxe et de jeunesse associée. Je dirais même que Madame Bombardier y a recours, et qu’elle refuserait d’apparaître en public avec une repousse évidente. Mais ça reste sans doute à vérifier.
Maintenant, le maquillage (pas le maquillage permanent, ce serait trop facile). Oui, l’industrie complète, du fond de teint au mascara, en passant par tout ce qu’il y a entre les deux. J’ai arrêté le fond de teint le jour où j’ai réalisé que je n’acceptais pas ma propre peau et que j’avais envie de pleurer sur mes imperfection après la douche du soir. J’ai donc accueilli ma propre nature en acceptant mes cils raides et fins, ma peau tachée et mon teint verdâtre. Au moins, tout est vrai. Il n’en est certainement pas ainsi pour les “clowns” (pour faire le lien avec des monstres) qui changent complètement de visage une fois maquillés tellement ils en ont épais. C’est réversible, certes, mais on est dans le mensonge profond. Se mentir à soi-même et aux autres. “Oui mais moi je me fais un maquillage naturel”. J’entends. Mais ça reste une altération “inutile” du corps qui manifeste un besoin d’être “mieux” que ce que nous sommes vraiment.
Je ne tomberai pas dans la facilité en invoquant les chirurgies esthétiques. Cependant, abordons les soutien-gorge rembourrés, les leggins amincissants, les bobettes gainantes… Je comprends très bien l’objectif et l’utilité. Mais toutes ces personnes qui font semblant toute la journée d’avoir de beaux seins ronds, un ventre plat, des fesses bien remontées… Et qui se voient confrontées, une fois nues, à la dure réalité de leur mensonge quotidien, qui se détestent, qui se culpabilisent…
Une petite dernière? Pourquoi pas. Parlons vin, bière, alcool. Je ne parlerai même pas des gens qui boivent leur 24 de Coors Light à partir de 12 h 15 le vendredi en sortant de la job, ce serait trop facile. Parlons de l’alcool chic. Parlons de boire quasi tous les jours, et dans tous les événements. Parlons de cours de dégustation. Parlons de ce besoin que l’humain a de s’enivrer pour décompresser, penser à autre chose, avoir du plaisir, faire semblant d’être heureux. Parlons aussi de combien cette mode est en gain de popularité et que c’est valorisé dans les milieux aisés. Parlons du budget hebdomadaire d’alcool de beaucoup de familles. Le vin de semaine. Ah, et non, n’en parlons pas, ce serait trop facile et honnêtement, ça me déprime.
Voyez-vous, si je compare à mes tatouages, mes beaux et moins beaux, ils sont permanents. Ils sont sur moi, ils sont moi. Ils dérangent? Tant pis. Les obèses qui mangent des bonbons me dérangent aussi, et pourtant l’industrie du sucre les y encourage. Ils vieilliront mal mes tatouages? Ah non! Et n’allez pas me dire que je vais rider, perdre mes cheveux grisonnant et que ma vue va baisser? Flûte. Je reste une personne humaine, écolo, empathique, drôle, créative. Je ne suis pas un monstre barbouillé qui regrette et se ment à soi-même. Les grands déchets de ce monde ne sont pas tous tatoués.
Madame Bombardier, si vous voulez contester des faits et faire avancer l’humanité, parlez de l’encombrement des dépotoirs, de la surconsommation de produits cosmétiques, de la consommation du sucre libre qui est un réel fléau, mais pas des tatouages. Pendant que je me fais tatouer, je ne suis pas en train de frauder des compagnies, d’abuser des enfants, de me droguer aux médicaments légaux.
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