Je me confesse, je suis de nature mal à l’aise. C’est comme ça, dès qu’on se fout de la gueule de quelqu’un, que j’entends des insolences téléphoniques, que quelqu’un fait une blague douteuse et que personne ne rit, je suis ennuyée pour la personne concernée. Je porte la croix des autres, mais sans que le poids sur leurs épaules ne s’allège.
Si seulement ce malaise perpétuel s’arrêtait là, ce serait encore endurable, car je m’éloigne de ce genre de situation. Là où ça devient insupportable, c’est lorsqu’une émission de télévision dans sa totalité représente un malaise. Avant que l’envie ne vous prenne de me suggérer de ne simplement pas regarder lesdites émissions, sachez que j’y avais pensé moi-même, mais que je ne suis pas seule chez moi, et que la télé l’est, elle, et que certaines publicités échappent à notre contrôle.
Il y a les faciles, comme Occupation Double. Pour être parfaitement honnête, je n’en ai vu qu’une courte annonce, entre deux scènes atroces de piètre cinéma (Star Wars Episode 2), faite de corps « parfaits » et de DB (douche bags). Je peux également dire qu’il y a une Christina, parce qu’elle « vient d’ici » et qu’un collègue l’a dans ses « amis » Facebook. Sinon, c’est tout. Mais la pub a suffi à me rendre mal à l’aise. Heureusement, ma séance annuelle d’écoute de TVA est passée, donc on ne m’y reprendra plus. Considérons cela comme une « erreur de parcours ».
Sinon, je me suis retrouvée, bien malgré moi je le jure, à regarder Opération Séduction, à V télé. Ouf. Je n’ai rien d’autre à dire. Ouf. Ouf, et re-ouf. Eurk et ouache pourraient également être des termes acceptables. Mais non, vous savez que j’ai autre chose à dire. Qui a-t-il de mieux, toutes possibilités universelles confondues, que de subir une rencontre [pathétique] entre un pompier supra DB, tatoué de barioles noires aléatoires sur un bras entier, avec un atroce accent qu’ont beaucoup de gens « cool » de la ville, et une fille très bien, mais qui ne cesse de se faire poser des questions sans contenu et sans but par ledit pompier qui l’aurait voulue bien plus « hot ». Et il lui a conseillé de ne pas le choisir, au final. J’imagine qu’elle n’était pas suffisamment pâmée. J’en ai sauté des bouts parce que sérieusement, quand on se sent de trop dans son propre salon, il est temps d’aller se passer la soie dentaire. Maintenant, c’est réglé et discuté, il n’est plus question que je me tape une telle atrocité. Au pire, je reprendrai le sommeil manquant.
Quand on peut s’en tirer aussi facilement, c’est bien. Mais quand la plus grande source de malaise, tous univers confondus, provient de la réponse à la question suivante : « Martus, qu’est-ce que tu veux regarder en buvant ton gros lait jaune? », que peut-on réellement y faire? Il aime ça, lui, Dino Dan. Il adore les dinosaures. Je vous mets dans le contexte. Un petit garçon âgé entre 8 et 12 ans, rousselé et toujours vêtu d’un haut jaune et d’un bas beige, peu importe la saison, est un fan fini des dinosaures. Il les connait tous, les aime, fait partager sa passion à ses amis de classe, parce qu’il en a, étonnant, et tous le vénèrent, l’encouragent, le suivent.
Ce n’est pas tout. Dan, puisque c’est son nom, ne se contente pas de trainer son cahier de notes illustré par nul autre que lui, contenant tous les modèles de dinos, prêt à le brandir dès qu’on requiert une explication dinosienne, il VOIT des dinos partout. Il pratique des dino-expériences, qu’il compile dans son dino-enregistreur, et tient ses livres. Il va dans le garage chercher quelque chose, entend un son bizarre et dit, soudainement : « Mais qu’est-ce que c’est? On dirait un bébé dinosaure?!?!? ». En effet, c’était un bébé tricératops. Pourquoi pas? Et puis-je insister sur le fait que les émissions canadiennes n’ont pas suffisamment de budget pour des effets spéciaux dignes de ce nom.
Personne d’autre que lui ne les voit, les dinos. Quand il en parle, personne ne semble s’inquiéter, le contredire, douter. Sa mère semble même à l’aise avec l’idée. Il n’est jamais question de rencontre hebdomadaire avec un spécialiste. Mais il n’y a pas de père, dans cette histoire, ça doit être ça, la clé. On ne peut pas en vouloir à un petit qui n’a pas de père.
Le pire du pire dans tout ça, c’est qu’il a des amis. Je m’imagine, il y a vingt ans, faisant une fixation sur les dinosaures, à écoeurer le peuple avec ça, à faire tous mes travaux sur les dinos, à porter des macarons, à toujours avoir la main en l’air avec un air de « je sais tout ». Je n’aurais plus une dent dans la bouche, et je jouerais sans doute à World of Warcraft, dans le sous-sol de chez mes parents, passé trente ans, avec des amis « internationaux », parce que je joue « online » et bien des amis Facebook, mais pas un que j’ai déjà vu. À moins que j’aie un ami qui prend ses décisions avec des dés de Donjon & dragons.
Dino-Dan = MALAISE. Le pire, je me suis tapé six épisodes ce soir, parce qu’il voulait écouter ça. Quelle bonne idée de lui permettre de regarder la télé après le souper, et il veut « m’asseoir Y toi, Maman ». J’aimais ça, sa passe Pororo. Poby était pas mal trop doux, mais au moins, ils avaient l’excuse d’être des dessins animés. Au pire, je peux toujours mettre ça sur le dos de la postsynchro, avouez que c’est souvent ça le problème…