Semblerait-il qu'il est présentement à la mode de recevoir un diagnostic de quelque chose. TDA, TSA, troubles de tout acabit. Je n'étais pas au fait de cette mode mais, vous savez quoi? J'ai envie de suivre la vague moi aussi.
À partir de maintenant, je suis Asperger, TSA, autiste de haut niveau, dans le spectre, "name it". J'ai besoin d'attention et, en 2019, quand tu n'es pas cute, charrue ou dans une télé-réalité, c'est la façon la plus facile. En plus, être troublé c'est cool, ça te permet de faire toutes sortes de choses débiles et ce, sans conséquence aucune. "Ben quoi, je suis autiste!"
À tous ceux qui se sont rendu au troisième paragraphe, sachez que je déconne. À moitié. Depuis longtemps, j'irais sans gêne jusqu'à plus de 30 ans, j'ai pataugé. Dans quoi? Je ne sais pas trop. Dans un monde dur et incompréhensible. Pas trop d'amis, les parents des amis qui ne m'aiment que rarement, de l'intimidation, une trop grande fascination pour les chats, un besoin de parler sans cesse et trop grand pour les gens de mon âge, un manque flagrant de manières (que mes très-proches qualifiaient sans cesse d'impolitesse, me chicanant sans retenue), un cerveau en ébullition, des bonnes notes, et une pression sociale quasi-ingérable afin de "rentrer dans le moule", des questionnements bizarres et sans fin, des troubles de sommeil dès ma plus-que-tendre enfance, et plus encore.
Comme tout le monde? Peut-être que oui. Mais je pense que non. Toute une vie à faire semblant de m'amuser quand les autres s'amusent, à feindre d'aimer ce que les autres aiment. À passer mes meilleurs moments seule avec moi-même à imaginer une vie à mon image. J'étais, je suis, tellement... différente.
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été anxieuse. Je n'avais jamais utilisé ce mot, mais "je me sentais mal". Un point, un pincement éternel au plexus. Une peur omniprésente d'avoir merdé, d'avoir commis une bêtise, d'avoir échoué quelque chose sans savoir quoi, une peur réelle d'être à côté de la track et surtout, SURTOUT, l'ignorance complète de comment je devais agir dans une situation donnée, avec les gens, dans les endroits publics. C'était beaucoup de l'essai et erreur. "Oups, ça fait pas. On ne le refait plus." Sauf que les échecs sociaux laissent des marques. Une série de micro-traumatismes sociaux qui s'additionnent sans jamais s'effacer, et qui créent chaque jour un peu plus de chaos.
Puisque je suis volubile, hypersensible (émotionnellement et aux énergies des autres) et très alerte aux détails, se sont succédés les commentaires que je n'aurais pas dû faire, mais sans savoir que "ça ne se disait pas". Des commentaires factuels, des mots réels, qui existent, mais que la société d'aujourd'hui n'accepte plus. Les morts sont morts, les gros sont gros, les cons sont cons, mais il faut plutôt les dire décédés, avec une morphologie différente et une personnalité charmante. On m'a même déjà dit que j'étais mésadaptée sociale, que je ne savais pas vivre. Ouch.
C'est une demi-vie plus tard que mon trouble anxieux a été diagnostiqué, médicamenté et que ça n'a pas donné grand-chose, sinon la culpabilité d'avoir faibli devant la mode de la médication. J'ai donc capitulé, jugé que j'étais fragile et inapte, pas bonne et méchante, à la limite, sans oublier mon incapacité à améliorer mes faiblesses, à ajouter du gris à ma vie, à lâcher prise et à pardonner. C'est ce que je disais, pas bonne. Et mésadaptée en plus.
Jusqu'à un soir de ché-pu-quand 2019, quand quelqu'un m'a dit dans une conversation où je racontais une récente désorganisation qui avait mené à une chicane de couple massive "on dirait que t'as des traits autistes". Je m'étais autodiagnostiquée trop-pensante mais celle-là, je n'y avais pas pensé. Mais c'était plein de sens.
Je vous entends déjà dire, si vous me connaissez un peu, que c'est impossible, c'est pas ça autiste, que les filles ne sont pas Asperger, que je suis trop ci et pas assez ça. Peut-être que oui, peut-être que non. Le psychiatre spécialiste en autisme chez la femme de l'institut de santé mentale de Montréal m'a quand même trouvée assez autiste, lui. Assez pour me dire que j'en étais la définition clinique.
Voilà, 11 septembre (2019), une date qui ne s'oublie pas. Je suis autiste de haut niveau. Haut niveau de fonctionnement, avec une grande intelligence. Mais limitée. Limitée à certains champs. Les autres, qu'ils aillent se faire voir. Finances, électricité, impôts, placements, instructions, formulaires... c'est pas ma tasse de thé. "Marcus mon grand, lis donc les règlements du jeu pendant que je fais du pop corn... tu me l'expliqueras après ok?". Et NON, je n'ai pas de super pouvoirs. À moins que mon incapacité à me retenir de dire à quelqu'un ses quatre vérités, en soit un, je cherche encore. Et je suis incapable de garder des vérités pour moi. La preuve, je vous raconte tout ça parce que j'ai l'impression de vous mentir en vous ne le disant pas.
Alors, je vous annonce qu'être Asperger, ça ne change absolument rien. Ce n'est pas un "trouble", c'est une différence de fonctionnement. La meilleure comparaison que j'ai trouvée; c'est comme être gaucher. T'es fonctionnel quand même, tu ne sais pas vraiment que tu es différent, c'est juste que le monde n'est pas fait pour toi. Les neurotypiques (mettons 97 % de la population) ne comprennent souvent pas les neuro atypiques et l'inverse est parfois vrai, mais nous avons travaillé fort pour se confondre alors nous avons une longueur d'avance de ce côté.
Alors quoi, si ça ne change rien, c'est quoi le problème? Ben c'est simple, ça change absolument tout. Des ciseaux gauchers, ça s'achète partout, mais une société neuro-atypique, on prend ça où? Les combats que je mène depuis toujours pour m'améliorer, me définir, bien me positionner dans la société, me fondre, ne font en fait que me confondre. Quand j'accroche, j'accroche. Et ma quête de cohérence est une job à temps plein en soi, sauf que ça ne rapporte rien. Je suis sur la limite de me faire tatouer COHÉRENCE sur une main. Je peux être incapable de parler à quelqu'un parce qu'il pue et je peux faire une fixation franche sur une voiture qui est stationnée dans la rue devant chez moi pendant des semaines, jusqu'à appeler la police pour la faire enlever de là. "Franchement, endure". Ben justement, non. C'est en plein là que ça se corse. Ma raison acquise me dit que ce n'est pas grave, mon cerveau lui, fier de ses croyances, s'acharne et met de côté plein de choses importantes (comme l'appétit par exemple) pour ne gérer que la voiture stationnée dans la rue (si elle est blanche, c'est encore pire). Comme lorsque je choisis la mauvaise fourchette. Ce n'est pas grave, sauf que c'est la fin du monde.
Vous ne pouvez pas comprendre. Vous pouvez entendre, mais pas comprendre. Vous pouvez juste assumer, et encore. Je vais vous laisser là-dessus, et je vais mettre en lien une petite vidéo qui fait une introduction. N'hésitez pas à commenter, m'écrire en privé, ou ne rien dire du tout. Je voudrais m'excuser si un jour je vous ai choqué. Mais ça peut arriver encore, vous devrez accepter ou fuir.
Alors la vidéo : Tadam!