mercredi 24 septembre 2014

La minute éducative 10 : La moufette rayée

- Chéri?

- Hmmm.

- Tu vas courir ce soir?

- Non, je vais faire de l’elliptique.

- Tu as encore mal à la hanche?

- Non pas du tout.

- Non? Donc, il fait beau dehors, tu n’as pas mal à la hanche et tu préfères t’enfermer sur l’elliptique plutôt qu’aller courir dehors?

- Il fait noir de bonne heure.

- Je t’ai acheté un chandail tellement flash qu’il est sans doute visible de la station spatiale… oh! Non?!

- Quoi?!

- J’ai compris.

- Quoi?!

- La moufette.

- Ah, laisse-moi tranquille.



Cette phobie n’a pas de nom qui lui est propre. Dommage. Toujours est-il que mon chum, sans être un « tough » à proprement parler, n’est pas une mauviette. Il sort les poubelles, débouche les bocaux, va voir la nuit quand j’entends un bruit étrange (souvent dans ma tête…). Sa faiblesse, les moufettes. Il ne va pas disjoncter au volant quand il y a un cadavre ou l’odeur d’une moufette sur l’autoroute, mais si ça sent sur notre chemin de maison, il va faire de l’elliptique plutôt qu’aller faire son jogging. Je viens d’ailleurs de comprendre pourquoi le compost marine sur le patio depuis quelques jours déjà… Des trous de moufette ont été aperçus dans le secteur.

Suite à un événement ayant pris place à l’été 2013, impliquant un bébé moufette tellement petit qu’il devait faire une sieste à tous les 10 à 15 pas, certaines mesures ont été prises pour contrôler les crises de panique dues aux (mignonnes) moufettes. Notre fils, 4 ans à l’époque, avait constaté le désarroi de son père, ce héros, face aux moufettes. Il avait donc lui aussi certaines réserves concernant cet animal. Un jour qu’il était allé jouer dans son carré de sable avec ses camions, vers 18 h, je l’ai littéralement entendu hurler le Ô Canada, en regardant nerveusement de tous les côtés, tel un tordeur de laveuse à chargement classique. Curieuse, je lui ai demandé ce qu’il avait, alors qu’il revenait à l’intérieur en courant, visiblement à bout de nerfs. Il avait peur de la petite moufette, ne pouvant pourtant être aperçue nulle part. Ma parole! (Son père toussait, chantait, parlait dès qu’il avait à aller dehors en fin de journée).


Pour ceux qui souffriraient de la phobie des moufettes, voici quelques affirmations qui pourraient vous aider à mieux réagir (survivre) à la présence (une attaque) d’une moufette trop près de vous.


1. La moufette n’est pas un animal nuisible. En fait, elle est même très utile parce que 70 % de son alimentation consiste en des bestioles nuisibles au mode de vie contemporain.

2. La moufette ne se fait pas des embuscades dignes d’un ninja dans le simple but de faire suer les coureurs de fin de journée. Oui, la moufette cohabite bien avec l’homme (même le mien) et n’en a pas peur, mais elle ne se « nourrit » pas de la peur de l’homme. Elle préfère les insectes comme les sauterelles et les grosses larves dégueulasses pour lesquelles elles font plein de trous à côté de notre composteur.

3. Lorsqu’aperçue à une certaine distance de l’homme, la moufette ne l’élance pas à une vitesse hypersonique afin de venir attaquer l’homme en question (qui fait cuire des burgers sur le barbecue). Selon le site internet http://www.hww.ca : « Elle se déplace posément, sans hâte, ne cherchant son salut ni dans la fuite ni dans la dissimulation : elle compte, pour se défendre, sur ses glandes sécrétrices. » Bon, cette déclaration finit mal, mais ce qu’il faut y comprendre, c’est que la moufette ne « charge » pas.

4. Non, la moufette ne peut pas viser au millimètre près sur une distance de 50 pieds avec son jus de moufette. À 6 mètres, c’est un peu tout croche, et à 3 mètres, c’est pile-poil.

Remarquez que j’ai utilisé deux systèmes de mesure différents, c’est afin de rassurer mon chum. Imaginez si j’avais dit : À 19.7 pieds, c’est un peu tout croche, et à 9.8 pieds, c’est « su’a coche ». Conclusion, si la moufette est à 10 pieds de vous (c’est quand même beaucoup, 10 pieds), elle peut vous arroser direct dans un œil. Par contre, puisqu’elle n’abuse pas des substances à mode que les hommes consomment pour prendre du muscle vite et sans effort (qui rendent agressif), elle ne voit pas des complots partout (comme mon chum avec lesdites moufettes, et ce, même sans stéroïdes).

5. Non, la moufette n’arrose pas « pour la fun » (référence Radio Radio). En fait, son petit jus qui pue, il ne s’autogénère pas en continu à raison de trois litres à l’heure. C’est presque de l’or puant son affaire. En fait, elle réussit à fabriquer une dizaine de millilitres par semaine. Elle emmagasine environ 15 ml au total et peut faire 5-6 jets avec ça. Le problème c’est que c’est un peu comme du Chanel numéro 5, il en faut si peu pour que ça sente sur 1 km de rayon… Toujours sur le site internet cité plus haut : « Le musc est fabriqué assez lentement, au rythme d’environ un tiers d’once par semaine, et n’est expulsé qu’en désespoir de cause, après des avertissements répétés. »

6. La moufette n’est donc pas une bombe à retardement qui arrose dès qu’elle voit mon chum à une distance de 1 km ou moins. Faute d’être très attentif quand je lui parle (c’est pas si pire, mais ça se plaçait tellement bien…), il devra apprendre à « écouter » la moufette.

Je pourrais trouver une façon humoristique de décrire le processus, mais comme c’est une question de vie ou de mort pour les nerfs du père de mes enfants, je me contenterai de citer, pour être certaine de bien transmettre l’information : « La moufette n’est pas belliqueuse et préférera toujours battre en retraite devant l’être humain ou un autre ennemi de taille. Lorsqu’elle est irritée, elle se met à gronder ou à siffler et à taper rapidement de ses pattes de devant; elle peut même marcher quelques instants sur ses pattes de devant, la queue dressée dans les airs. La moufette rayée ne peut lancer son liquide dans cette posture. Pour utiliser cette arme, elle fait généralement le gros dos et arque son corps en forme de U de façon à présenter à la fois la tête et la queue à l’ennemi. »

Donc? Quand tu vois une moufette, chéri, « écoute là ». Si tu es en train de courir, change de côté de rue, elle ne va pas te courir après. Elle a autre chose à faire. Admetterions que tu la trappes quelque part, que tu as réussi à trouver un cul-de-sac dans notre coin et que malgré ta peur phobique de la jolie petite moufette rayée tu t’y es quand même engagé, tu as le temps de t’en retourner.

Si jamais tu es au compost et qu’elle est là, reviens à la maison, tranquillement, en respirant. On ira le porter une autre fois…