dimanche 22 août 2010

Un dimanche à la plage

Nous sommes dimanche matin (surprenant, n’est-ce pas?), du moins, au moment où je pose ces mots sur les feuilles beiges de mon petit carnet brun, assise sur une des chaises en rangée bleu bizarre, au recouvrement de cuirette en fin de vie, nous sommes le matin, il est 7 h, et je suis à l’Urgence. Non, je n’ai pas passé la journée à la plage. Premièrement, les grandes chaleurs de plage relèvent maintenant d’un proche passé, ou encore d’un futur relativement lointain, et deuxièmement, je déteste la plage. Je n’ai même pas de maillot. Le titre n’était qu’un attrape-nigaud. Nigaud!!!

J’ai horreur de me présenter ici. Personne de sensé n’aime réellement les hôpitaux s’il n’y travaille pas (et encore), parce que ça pue, les gens sont moches (dont moi présentement), malades, plaignards et le temps semble arrêter d’avancer. Mais la raison pour laquelle je n’aime particulièrement pas l’Urgence, c’est à cause du nom. URGENCE. On s’attendrait à ne voir que des gens ouverts, verts, mous, morts, mais en fait, tout le monde, à peu d’exception près, semble se porter à merveille. Moi la première. En réalité, je ne me porte pas si à merveille, mais j’en ai bien l’air. Tous mes morceaux sont attachés à leur place, je ne saigne de nulle part, aucune trace de pus, mon cœur bat à un rythme normal et je dirais même que mes cheveux sont étrangement beaux pour un dimanche matin.

Ma condition n’est donc pas « urgente ». Pour être tout à fait honnête, je me sens même coupable de m’être présentée ici, d’engorger le système. J’ai un vrai problème, quand même. Je vous en ai même déjà parlé vous vous souvenez? Ma gorge! (voir Hypocondriaque, moi?) Ce vilain mal de gorge me tient prisonnière depuis plus de dix jours et je commence à me demander si je vais mourir avec. Je suis donc sur le point de voir l’infirmier de "triage". « Infirmier ». Hier, j’ai eu droit à un caissier (voir Histoires d'un quelconque samedi), aujourd’hui, c’est un infirmier. Je n’ai rien contre les métiers non-traditionnels. Je constate seulement que ça sonne faux dans mes oreilles.

La dernière fois que je suis venue ici, c’était au printemps dernier je crois, c’était pour mon fils MM, et nous avions dû venir deux fois à trois jours d’intervalle. La première fois, il était fiévreux et on lui avait diagnostiqué une otite. Les médicaments l’exaspéraient (et moi aussi) et il s’était levé un matin, blanc marbré rouge. Pas très chic je vous dirais. Nous étions donc retournés à l’hôpital, suspectant la réaction allergique, pour se faire dire après sept heures d’attente qu’il n’avait jamais eu d’otite, et qu’il n’avait qu’une (ou plusieurs) maladie de bébé qui ne se traite pas et qui passe tout simplement.

Bon, j’ai vu l’infirmier. En effet, mon cas semble tout particulièrement insignifiant (je vous l’avais dit!) mais je pense que je vais attendre quand même, tant qu’à y être. Pendant qu’il entrait mes palpitantes informations dans son ordinateur, mon regard s’est perdu dans l’étagère au-dessus de lui. Quoi? Des plats à dentier? Dire que ce sont les seuls contenants dont la couleur ne donne pas envie de vomir! Tant qu’à faire dans la confidence, j’ai envie de vous avouer que, pendant longtemps, alors que j’étais jeune, j’ai cru qu’un jour, l’âge n’était pas clair dans ma tête, on m’arracherait toutes mes dents pour me refiler « des dents », comme dit ma grand-mère. Toutes les personnes âgées autour de moi en portaient, je pensais donc que c’était un passage obligé vers l’âge d’or. J’ai su plus tard que je pourrais garder mes dents jusqu’à ma mort, si je voulais. Ouf!

Pour en revenir à l’infirmier, il m’a toisé d’un drôle d’air, me faisant vraiment sentir que je lui faisais perdre son temps. Mon sentiment de culpabilité s’est gonflé… Et il y a cette femme, qui accompagne un homme très vieux, son père apparemment, qui a l’œil tout noir parce qu’il a chuté dans son entrée. Elle le gronde à haute voix, insistant sur la non-nécessité de l’action qu’il a posée pour se retrouver la face contre l’asphalte. Ça m’intéresse! Bon, je vais lire un peu, je n’ai plus rien à dire.

7 h 40 : Un homme, jeune, arrive. Je ne l’ai vu que de dos, mais je le reconnais. Pourtant, il y a bien 20 ans que je ne l’ai pas vu, et ce n’était même pas mon ami. Il était dans ma classe en deuxième année. Ce qui est vraiment étrange, c’est que j’ai justement rêvé de lui la semaine dernière. Il est identique comme dans mon rêve. Encore pire, il est pareil comme le souvenir que j’en avais. On dirait même qu’il a la même coupe de cheveux. J’espère que mes rêves ne sont pas tous prémonitoires, parce que j’ai aussi rêvé que le conjoint de ma tante se pendait.

8 h 45 : Il y a près de deux heures que je suis ici. Décidément, j’aurais dû rester chez moi. J’aurais pu me recoucher au moins. Et je commence à avoir mal à la tête. La salle est presque vide, et ce n’est jamais mon tour. Et même le gars de mon rêve est parti. Depuis longtemps même. Mon sentiment de culpabilité est à son sommet personnel.

10 h : C’en est trop j’en ai assez, je m’en vais aux informations. S’ils me disent que j’en ai encore pour une heure, je fiche le camp… En fait, je viens d’apprendre que j’étais « triée » en priorité 5, la plus basse du lot. Pourquoi alors s’embarrasser du terme « priorité »? La gentille et très jolie infirmière (si j’étais intéressée par les femmes, elle aurait été tout à fait mon genre) m’a gentiment mise en « priorité 4 ». J’ai eu à peine le temps de m’asseoir qu’on m’appelait déjà! Vive la priorité 4! Cela signifie que toutes les personnes qui entraient passaient systématiquement avant moi. Super.

Finalement, je suis repartie chez moi avec une prescription d’antibiotiques, que je ne prendrai que si on m’appelle pour me confirmer que j’ai bel et bien un streptocoque. Avouez que le nom fait peur. On pense tout de suite à la vilaine bactérie mangeuse de chair. Je vous rassure, il n’en est rien. C’est juste une cochonnerie qui donne mal à la gorge. J’ai bien hâte de voir si c’est le bon diagnostic. Je vous tiendrai au courant, promis. Saviez-vous que dans la salle d'examen, il y a des "Vomi bag"? Wow!

11 h 5 : Je suis de retour chez moi. J’ai faim. Je mange. Nous irons ensuite acheter des trucs à l’Empire monopolistique du Mal et nous en profiterons pour manger une crème molle. La médecin m’a dit de manger froid, ça me soulagerait. Il faut toujours croire ce que disent les médecins. Direction : crème molle!

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