mercredi 11 août 2010

Théâtre d'été...



Une année, c’était en 2008 je crois, une activité sociale de bureau m’a entraînée dans une horrible croisière d’après-midi, où le bateau était sale et les gens bien trop nombreux, qui était suivie d’un souper bien trop salé, avec un service exécrable, et d’une pièce de théâtre d’été. À cette époque, je ne savais pas en quoi le théâtre d’été différait de « l’autre » théâtre. Je pensais qu’on qualifiait ce théâtre d’été parce qu’on était en été, justement. La réflexion était à la fois sotte et logique. Mais je n’en ai parlé à personne, rassurez-vous.

J’avais déjà assisté à une pièce de vrai théâtre au Cégep, Hosanna, je crois, et j’étais restée relativement neutre. C’est donc l’esprit vide que je m’étais installée devant la pièce de théâtre d’été, dont le titre m’échappe, me préparant sans doute à apprécier le spectacle. Finalement, ayant apparemment oublié de rire à toutes les blagues qui divertissaient les autres autour de moi, j’avais décidé, beaucoup trop longtemps après l’entracte, de mettre fin à la torture et de quitter. Le souvenir est encore douloureux.

Lorsque, il y a de cela quelques semaines, on m’a gracieusement offert une paire de billets pour cette pièce, Mamie Fly, je les ai acceptés, l’esprit grand ouvert. Après tout, les commentaires étaient excellents et je ne pouvais quand même pas juger le théâtre d’été après une seule pièce, je suis une scientifique, après tout! Après m’être faite « abandonner » par deux amies pour la pièce, j’ai fini par inviter ma mère, qui a joyeusement accepté. Nous nous y sommes donc rendues, l’esprit estival.

J’avais l’esprit grand ouvert, je le répète. La salle était magnifique. Loin, loin, loin du stationnement, mais magnifique, dans le bâtiment le plus éloigné de la vieille Pulperie de Chicoutimi, et datant de 1927. En attendant le début, nous avons discuté de tout et de rien, profitant de la vie, espionnant les gens autour de nous.

À 8 h 30, ou plutôt 8 h 33, une demoiselle, toute dépeignée, s’est présentée sur la scène pour annoncer le début de la pièce. Dès qu’elle a dit « Doucette » pour Doucet, j’ai su qu’il y avait un problème. Mais mon esprit était encore assez ouvert. Puis, la pièce a commencé. Je ne suis pas critique de théâtre, ni de rien du tout, mais cela ne m’empêche certainement pas d’avoir une opinion. Assez arrêtée en plus. On me dit très difficile. Je ne peux pas comparer, je suis moi.

Toujours est-il que, dès les premiers échanges verbaux, ponctués d’horribles déguisements, j’ai été heurtée de plein fouet par un manque de vocabulaire démesuré. Le niveau de langage, bien en-dessous du langage populaire (pas d’exagération), combiné aux blagues de mauvais goût, ont eu pour effet de me rendre carrément mal à l’aise. J’étais assise sur ma chaise, niveau de confort de faible à nul, et j’osais à peine regarder autre chose que le bout de mon pied, celui de ma jambe croisée, qui battait une mesure inexistante, avec un manque de rythme qui m’est propre, tellement j’étais inconfortable, dans tous les sens du terme. Les blagues étaient de si mauvais goût, et les expressions employées par les personnages, qui étaient des personnes âgées, très âgées, tellement inappropriées que je croyais fermement que les spectateurs se mettraient à se lever pour s’en aller. Mais non. Au contraire, quand Yoland, un des deux vieux locataires du bloc, s’est pincé tout un tas d’épingles à linge sur le nez et la bouche, insulte fatale à mon sens de l’humour, pourtant très actif, et ce tout en répétant à qui voulait bien l’entendre que tout est « le fun » (crédible n’est-ce pas, à 80 ans), les gens se tordaient de rire autour de moi. Sauf ma mère.

Alors que les gens se sont esclaffés de bon cœur pendant tout le temps de la pièce, moi, je me suis surprise à lâcher un genre de « hun! », à mi-chemin entre le rire et la surprise, deux fois, une avant et une après l’entracte. La première fois, je crois qu’il a parlé de se « brasser le coussin », en voulant dire danser, et la deuxième, « scier la banane », pour dire surprendre. Tous les autres sons qui sont sortis de ma bouche étaient des soupirs d’exaspération. Tellement que j’ai fini par en avoir soif. Mais je n’avais pas le précieux dollar qui donnait accès à la bouteille d’eau. J’ai donc enduré.

Finalement, même si je m’étais promis, plusieurs fois même, de rester jusqu’à la fin, je n’ai pas été capable. J’ai fait exactement comme dans le temps de l’université, où je profitais d’un instant d’inattention du professeur pour partir en douce, sauf que je ne suis pas partie « en douce ». Je suis juste partie. Il m’a suffi de regarder ma mère et de lui dire « Quand t’es tannée, tu te lèves et je te suis » pour que le projet prenne vie. Apparemment, elle appréciait autant que moi.

Cette expérience m’a entraînée dans une réflexion assez élaborée. Suis-je aussi intelligente que les autres qui assistaient à ce spectacle douteux? Le suis-je plus? Alors pourquoi riaient-ils tous et pas moi? Le faisaient-ils par politesse? Ai-je inventé un style d’humour qui les surpasse tous et qui m’empêche de profiter des choses simples de la vie. POURQUOI AI-JE AUTANT DÉTESTÉ? Les Denis Drolet m’ont-ils corrompue?

Comme toute expérience a du positif, j’en ferai donc le bilan. Je pourrais vous épater en disant que je n’aurais pas su que je détesterais si je n’y étais pas allée, puisque c’est un commentaire tellement original, mais je vous dirai plutôt que cette soirée m’a permis de savourer un excellent café au lait avec un biscotti, beaucoup moins bons que ceux que je cuisine, mais quand même, et de me procurer un livre qui me faisait envie depuis très longtemps « La chimie des desserts de Ricardo », et ce, en excellente compagnie. En dehors de cela, je vous dirais que les probabilités que je me présente à nouveau à une pièce de théâtre d’été s’amenuisent. Tout bien considéré, l’autre pièce, la première, était bien meilleure. Il aura fallu que j’en voie une pire pour le savoir. Est-ce un signe que ce supplice en valait la peine?

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