mardi 22 mars 2011

La planète Montréal

Par un beau dimanche matin ensoleillé, ou enluné, parce qu’il était même trop tôt pour le soleil, je suis montée à bord d’un camion trop gros, avec deux étrangers, pour me rendre « en ville ». La mission était simple, faire bien trop de kilomètres pour aller insérer un anneau d’acier à 15 $ dans le petit doigt de mon plus vieil ami, de mon seul ami qui a vécu ma crise d’adolescence.

Pourquoi moi, et pourquoi avais-je accepté? Parce qu’il m’aime bien et parce que je suis passée par là, moi aussi, il y a de cela six ans. Une longue cérémonie qui ennuie l’assistance mais qui marque la fin de longues études et la transition entre deux mondes complètement différents. J’avais un souvenir agréable de ma propre cérémonie, parce que j’y avais vraiment « goûté ». Je m’étais sentie importante et considérée, en plus d’en être l’organisatrice. Je me lançais donc dans cette aventure avec un petit sourire niais, que seule moi comprenais.

J’ai rapidement déchanté, une fois là-bas, assise dans la rangée V du parterre de la Place des Arts, endroit beaucoup trop classe pour une colonisée comme moi. J’avais anticipé environ deux cent finissants. Ils étaient 547. Ça empestait l’ego démesuré, vous n’avez même pas idée. Toujours est-il que, mon rôle était non seulement simple, mais bien trop insignifiant pour les cinq heures de routes accomplies, et les cinq autres à venir. Sans compter les deux repas extra sel et extra gras, Pizza Hut et Saint-Hubert (beurk) et l’absence totale de confort.

À l’appel du programme d’études, je me rendais sur la scène et la responsable défilait les noms à la vitesse du son. Moi j’avais eu au moins deux minutes de gloire à mon heure, mais mon ami n’en a pas eu le dixième. C’est là que j’ai réalisé que Montréal, c’est vraiment une autre planète.

Si les finissants puaient l’ego démesuré, moi, de mon côté, je sentais la région à plein nez. Alors que nous quittions, mon manteau bien trop chaud ouvert, le foulard au vent, contournant les déchets humains et les gens pleins aux as, je me suis demandé si le mercure avait réellement indiqué -26 °C dans « le Parc » à 8 h le même matin, alors qu’à cet instant, à cet endroit, le printemps était bien installé.

La foule, les ethnies, la chaleur, la pollution odorante, l’accent montréalais plus grand que nature, les anglophones, les « quéteux », j’ai eu un genre de choc. Puis, ce fut le métro. Moi, j’ai pris le métro. Je suis encore sous le choc. En plus du fait que je n’ai jamais pris l’autobus, sinon une ou deux fois, et jamais seule, évidemment.

Pendant les cinq longues heures qui ont suivi ce choc culturel aigu, j’ai bien réfléchi. Toutes ces fois où on a ri de nous, les colons (dans le sens de colonie, pas de « pas fin »), et qu’on s’est vexés, je pense qu’on a eu tort. Au fond, toutes ces choses auxquelles nous n’avons pas accès, comme des boutiques, des épices fraîches, des bons restos, parce que nous sommes en régions, et qu’en régions, ça trippe poulet rôti (Saint-Hubert, Score’s…), ben ça ne nous empêche pas de vivre. Personnellement, je trouve qu’on manque cruellement de restaurants dignes de ce nom, mais pour le reste, ça nous donne une raison d’aller « en ville », puis de réaliser comme on est bien chez nous, à parler de motoneige et à jaser de bancs de neige avec les voisins, au lendemain d’une bonne tempête.

6 commentaires:

  1. Je ne crois pas qu'un soit mieux que l'autre. Seulement, c'est différent. Et il y en a pour tous les goûts. Et même assez pour changer de goût au cours d'une vie. Et je ne prêche pas plus pour ma paroisse actuelle que pour celle d'où je viens (une petite ville).

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  2. J'ai habité:
    Montréal
    La banlieue
    et depuis 5 ans, la campagne.

    ... Je suis une fille de campagne. Pas pour les bottes de rubber, je suis encore en talon haut malgré tout. Je porte des vêtements très urbain, etc. mais j'ai la grosse paix sale: Pas de voisins gonflables comme en banlieue, pas de stress de la ville, dans l'fond, il y a 'big fuck all' mais nous aussi, on parle des bancs d'neige tout en étant capable d'être distingués. Et non, pas consanguin ou rien de ça, je ne porte pas de botte de rubber et je ne sens pas l'étable ;)

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  3. (mais je me répète dans un texte de 12 lignes hahahahaha!)

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  4. Il n'y a pas qu'en ville que tu trouveras Score's et Saint-Hubert, tu sais. Mais tu as raison sur un point : c'est gras comme nourriture.

    Depuis que j'ai quitté Longueuil pour une ville plus « rurale » et de la même taille que Boucherville (50,000 de population), je peux dire que je m'y plais bien ici.

    Ce que tu as vécu comme un choc culturel, moi je le vivais tous les jours en conduisant mon autocar plein de touristes en déambulant les rues du centre-ville de Montréal.

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  5. Je pense que lorsqu'un montréalais, un vrai de vrai, quitte son îlot, il dit la même chose de la campagne ou des régions!

    Vous feriez de très mauvais voyageurs. Faut savoir vivre à l'image des gens où l'on se trouve.

    En ce qui concerne ces interminables remises de bagues et de diplômes, c'est très pénible. Mes enfants m'imposent ce genre de cérémonies. J'y vais pour ne pas les décevoir mais dans le fond...

    Beaucoup d'ego en effet, surtout s'il s'agissait d'ingénieurs! Pourquoi se prennent-ils pour Dieu? Dieu ne se prend pas pour un ingénieur lui!

    Accent Grave

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  6. Les ingénieurs ne sont pas pires que les autres professionnels. Un ego est un ego, peu importe le domaine. Les directeurs d'école qui snobent les secrétaires, les médecins qui regardent les infirmières de haut, les chefs qui ignorent les serveuses...

    Non seulement dit-on que les ingénieurs sont prétentieux, mais on dit en plus que c'est payant. Les mythes ont la vie dure...

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