lundi 4 juillet 2011

Bal-hâîne


Tel que promis, pour ceux qui ont suivi, me voilà prête à vous raconter notre trip grano de la fin de semaine passée. Aller voir les baleines (ou bal-hâînes, selon notre guide des Cantons de l’Est), en soi, ce n’est pas particulièrement grano, c’est même quelque chose à vivre, je vous jure. On trouve ça bien naturel, quand on les voit dans un documentaire ou dans un imagier pour enfant, mais de visu, ça surprend. Là où ça peut commencer à sentir le chanvre et la sueur, c’est quand on décide d’aller visiter les énormes mammifères marins non pas en zodiac ou en bateau, mais bien en kayak.

Pour ceux qui ignorent ce qu’est un kayak, parce qu’il y en a sans doute, les citadins sont souvent surprenants, c’est une embarcation marine sans aucune forme de motorisation, qui contient peu de passagers, généralement un ou deux, encastrés dans une jupette, et qui se meut grâce à des pagaies. On a le derrière à la hauteur de l’eau, ou presque, et on avance comme on peut, selon les conditions. Au camping d’où nous partions, le Camping du Paradis (en référence au Paradis marin), il y avait plus de VW Westfalia que j’en avais vu de toute ma vie. De quoi rendre jaloux n’importe quel concessionnaire VW.

Vêtus de « wet suit » loués, sexys comme jamais, et les jambes comprimées comme jamais, nous avons dévalé la pente abrupte menant aux kayaks, doubles dans notre cas, constatant que les souliers assortis au « wet suit » n’empêchaient aucunement les roches de nous faire émettre des « oh! Aie! Hi! » de surprise. Attaqués à l’os par les moustiques voraces de la Haute-Côte-Nord, nous avons découvert, après avoir forcé comme des bons pour mettre les kayaks à l’eau, que 4 °C, même habillés, ça surprend. J’étais convaincue de mon désir de rester hors de l’eau bien avant que la guide ne nous avertisse qu’il suffisait de dix minutes dans l’eau pour tomber en hypothermie.

Nous étions donc partis pour passer les trois heures suivantes le derrière mouillé, les pieds immergés dans les chaussons pleins de jus d’algues qui puent et la flotte (veste de sauvetage) serrée à la limite de l’inconfort. La mission : voir au moins une baleine, si petite soit-elle. Les vents étaient calmes, la température adéquate, pour ne pas dire parfaite, et la vue d’ensemble, à couper le souffle. J’en avais rêvé et maintenant, j’y étais.

Afin d’éviter une déception certaine, j’ai abdiqué à la première minute de pagayage, pagaiement, euh… (si vous savez le vrai mot, n’hésitez pas). Je viserais le plaisir général plutôt que la baleine à tout prix. Neuf minutes plus tard, alors que je défiais quand même le soleil afin de déceler un « splash » d’eau ou un aileron, on a crié « BALEINE!!!! » (dit à la saguenéenne, c’est-à-dire comme il le faut). Évidemment, je l’avais ratée. Jusqu’à ce que ladite baleine, un petit rorqual, sorte bien plus près. Ça y était, j’étais satisfaite. Je ne savais pas encore que ce rorqual tournerait autour de nous pendant une grosse demi-heure, et qu’il irait même jusqu’à sortir à moins de dix pieds de moi, la tête hors de l’eau, de sorte à m’ébahir totalement de son immensité.

Conquise, satisfaite, comblée, fière, le reste de la balade m’importait peu, mon but était atteint. Nous avons ensuite vu des bélugas, plusieurs, et avons dû rester immobiles (trop) longtemps, à reculer puisque nous étions contre vent, marée et courant, parce que les bélugas sont mentalement fragiles et que notre présence les stresse, à moins de quatre cents mètres. Puis, alors que la chaleur du jour s’estompait, que mes épaules brûlaient d’avoir tant pagayé, tout comme les fraîches ampoules dans mes mains humides et salées (ça donnait une valeur ajoutée à mon mélange de noix non salées), un autre petit rorqual d’environ huit mètres de longueur et de huit tonnes à peine a cru bon sortir à une longueur de rame de mon kayak. Comme je ne l’attendais pas, j’ai crié, puis figé.

Ce petit bonus m’a donné l’énergie qu’il me fallait pour revenir au bord. Malgré la fatigue, la marche très longue pour ramener les kayaks parce que la marée était plus que basse, l’odeur putride des algues, la caisse de Rickard’s mélangée du petit jeune homme sur les roches qui semblait m’appeler, mon bas de maillot détrempé, chose que je n’avais pas du tout prévu (ça ou une solution de rechange pour avoir le derrière au sec), ce fut une randonnée extraordinaire. Tellement que je me suis promis de le faire une fois par année, à condition de louer un chalet, parce que moi, le camping, c’est assez pour freiner n’importe quel élan d’enthousiasme. Entendre le gars de la tente voisine ronfler, péter ou même siffler du nez, très peu pour moi.

Une dernière chose qui m’a marquée, dès la mise à l’eau, une fois assis dans le fleuve, à voir passer des bestioles grosses comme des autobus, on se sent petits, je peux vous le jurer. Je vous le jure, les baleines aux Escoumins en kayak, c’est vraiment à faire au moins une fois dans une vie!

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