dimanche 15 juillet 2012

La bataille des égoïsmes


Ça s’est passé un dimanche matin. Ce matin en fait. C’était un matin étrange. Tout était bizarre. Premièrement, je m’étais levée passé 7 h, ce qui est douteux, en soi, et la nuit avait été torride. Torride dans le sens qu’il faisait 28.5 °C au coucher dans la chambre, et qu’il en faisait à peine un de moins au lever. Une de ces nuits où le ronron du ventilateur, ainsi que la douce brise qu’il nous offre, nous permettent de tenir le coup.

J’étais donc à la pharmacie afin d’acheter une nouvelle crème solaire pour le visage, puisque la mienne m’avait lâchée la veille, après que je l’aie oubliée dans la voiture en plein soleil à une température de four, et j’avais tous mes achats en main, attendant (im)patiemment à la caisse afin de payer et de partir trouver mes hommes qui cuisaient dans la voiture, avant de se rendre au chalet.

J’étais troisième dans la ligne. J’avais en main la crème solaire FPS 45 pour le visage que j’avais eu tant de mal à trouver dans cet immense magasin, un frisbee orange et un ensemble de sceau, pelle, tamis, arrosoir et mini moule vert fluo en forme de homard de Caillou.

Devant moi, une jeune femme au derrière généreux et aux emplettes très révélatrices, soit du Tempra, de l’Advil pour bébé, de l’Hydrasense, de l’onguent de zinc, deux boîtes de préparation pour nourrisson en poudre et un fer plat. Il ne fallait pas un diplôme en sociologie pour comprendre qu’elle avait un bébé malade qui l’attendait quelque part, tout en étant soucieuse de son apparence. On ne va pas à la pharmacie un dimanche matin à 10 h, tirée à quatre épingles pour acheter tout ça parce qu’on en a envie. Il y a toujours un petit quelque chose derrière.

Devant elle, il y avait le classique vieux tout croche avec sa canne, qui faisait vérifier ses gratteux, tout en ayant pris soin d’acheter LE portefeuille dont le prix est inexistant. Le pauvre jeune homme de la caisse a dû appeler un quelconque Dieu dans l’au-delà pour qu’il lui transmette la sainte révélation, pour en arriver à la conclusion que ledit portefeuille avait un prix. Puis, il a décidé de se reprendre un ordre de gratteux, choisissant entre autres celui dont il n’en restait qu’un seul exemplaire, caché derrière un gratteux plus grand. Prend le ti, prend le ti pas, ça a fini par faire.

Et moi et la jeune maman de soupirer en chœur, comme si nous venions tout juste d’être admises au paradis, après une semaine de tests psychométriques. Alors que le jeune caissier s’attaquait à la commande de ladite maman, un autre vieux est descendu du ciel, sans doute pour se venger de quelqu’un comme lui, et il a chuchoté au caissier : « Heille ti gars…tssss tssss. J’ai acheté tzzzz tzzz tzzz et tzzz tzzz tzzz » tout en brandissant un rasoir Mach 3 et une boîte de lames, tellement 2001.

J’avais retenu toutes mes mauvaises pensées du premier vieux, me disant que c’était dimanche, qu’il faisait beau et que la fin de semaine c’est fait pour relaxer, mais là, c’était un peu trop. Le caissier était jeune et naïf, il ne voulait pas être impoli, mais moi, je ne travaille pas chez Jean Coutu, et que j’en vois juste un me dire que je suis impolie. « C’est pas comme s’il y avait une file et qu’on n’avait pas déjà assez attendu après notre mort comme ça. » Le petit jeune a dû avoir peur de moi parce qu’il a mis le vieux de côté et a passé nos commandes. Et là, la jeune maman et moi on a connecté. Quelques secondes à peine. Avant de disparaître, chacune dans notre univers.

On pensait tous les quatre que notre existence était plus importance que celle des autres. Avec du recul, le premier vieux avait gagné son droit d’exister, parce qu’il était arrivé en premier. Il avait cependant été égoïste en ne s’excusant pas d’être si lent et en ne se souciant pas des autres êtres humains autour de lui. Le deuxième vieux avait été égoïste en se pensant trop important pour faire la file, malgré une antiurgence, et en tentant de dépasser tout le monde. Moi, j’ai été égoïste en brimant leur droit d’exister et en les détestant si fort, tout en n’étant pas en train de satisfaire de vrais besoins non plus. La seule qui aurait pu se permettre d’être égoïste, elle a patienté gentiment, sans parler et en espérant que ça finirait. Au fond, c’est pour elle que j’ai fait ça. Je suis vraiment une fille correcte.

Au fond, tout le monde est égoïste dans ce genre de situation. On veut tous avoir le meilleur service, avoir la sainte paix et sacrer notre camp au plus vite, en échangeant un minimum de mots avec ceux qui nous entourent. Par contre, il est intéressant de constater que la loi du plus grand nombre semble s’appliquer. En effet, les deux vieux n’ont pas été là en même temps, donc la jeune maman et avons toujours été en majorité, désirant ardemment poursuivre notre vie, ailleurs, alors qu’eux, égoïstement, se disaient qu’ils étaient plus importants que nous, et que les jeunes peuvent bien attendre, puisqu’ils ont toute la vie devant eux. Alors qu’eux, au fond, n’ont que ça à faire, attendre. Mais c’est mon égoïsme qui parle. Un fait demeure, cependant, face au deuxième vieux, c’est nous qui avons gagné! Pensez-vous que je serai comme ça, à cet âge? Peu importe, j’ai toute ma vie pour y penser.

1 commentaire:

  1. Je pense à ma mère qui s'inquiète pour tout le monde mais dont la vitesse d'exécution n'est plus. Elle est lente, très lente et je suis certain que plusieurs personnes perdent patience.

    D'un autre côté, les acheteurs de gratteux m'irritent au plus haut point! Vouloir absolument devenir riche à cet âge et tenir à payer des taxes volontaires, je trouve ça idiot!

    Grand-Langue

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