lundi 18 septembre 2017

La ségrégation des minces

Scandale, ô catastrophe. Je viens de décider que j’allais couper le sucre. Couper, dans le genre de « sortir le sucre de ma vie ». Ouais ouais. Genre. Est-ce que je suis grosse? Non. Ronde? Non plus. Enveloppée? Même pas. Rien ‘toute. On me qualifie régulièrement de « maigre » même. Bon, le terme m’écoeure un peu parce que j’ai quand même un petit bid et des bonnes cuisses mais que voulez-vous. Je porte du X-Small et mon IMC est à la limite inférieure de la catégorie « poids santé », pour ce que ça vaut.

Ouais. Pour ce que ça vaut. Parce que dans les faits, je mange plutôt moyennement bien. Je n’ose pas trop dire « mal » parce que c’est raide comme terme, et que j’ai au moins conscience de ce que je mange, et que je cuisine quelques fois par semaine, mais j’ai déjà mieux mangé. Et moins bu d’alcool. 2017 a été prenante jusqu’à maintenant. Séparation, changement de type d’emploi, déménagement, garde partagée… De grosses étapes. Et beaucoup beaucoup d’anxiété. Crise après crise après crise. Donc j’ai un peu délaissé le petit côté cuistot que je chérissais tant et je me suis doucement mais sûrement dirigée vers les plats cuisinés… l’inverse du gros bon sens.

Je suis aussi retournée un peu dans le vice de l’alcool. Rien d’extrême mais assez. Assez pour être trop. Dit-elle en quémandant une autre bière…

Bon, toujours est-il que grâce ou à cause d’une « amie » connaissance que je trouve vraiment gentille mais qui s’est éloignée avant de pouvoir entrer vraiment dans ma vie, j’ai vu passer quelque chose sur Facebook qui s’appelle le Défi 21 jours sans sucre et ça m’a immédiatement accroché l’œil. Depuis longtemps, j’entends et je crois dur comme fer que le sucre est bien plus mauvais que le gras. Je sais que le sucre est une substance qui crée une grande dépendance et dont les effets sont moches.

Je vous entends déjà me dire que j’exagère et que tout est rendu mauvais et dangereux, et qu’il faut bien mourir de quelque chose. Vous avez raison. Sauf que c’est de la marde comme argument. Le sucre est un vil pervers. J’ai découvert depuis peu que le dessert me donne mal au ventre. Ben oui. Et que les bonbons aussi. Et ensuite j’ai regardé des vidéos et lu des articles qui disaient que le sucre nous rendait fatigué et cerné… Il n’en fallait pas plus pour que je décide d’essayer.

Un jour, on m’a dit qu’il fallait 21 jours pour créer ou se débarrasser d’une habitude. J’ai aussi entendu que le sevrage du sucre était horrrrrible. Que le sucre crée une dépendance plus grande que la cocaïne. Or, je suis capable, n’est-ce pas? Certes. Mais j’ai peur. Peur des gens, peur de moi, peur de la nourriture, peur de tout. J’aime les Mini-Wheat, la bière, le chocolat, le sirop d’érable, les chips… Toutes des substances pleines de sucre et d’amidon. J’ai peur de me faire juger, comme on juge les végétariens, les anti-glutens, les allergiques aux noix… Mais au fond, j’ai juste peur de ne pas être capable. Peur de réaliser que je me fais dominer par la nourriture.

L’argument des kilos qui s’en vont n’a pas de poids à mes yeux. Si je maigris, mes beaux vêtements ne m’iront plus. Par contre, l’attrait d’une plus belle peau, d’un sentiment de repos au lever, d’une belle énergie, ça ça a du poids. Et j’ai aussi lu que les effets bénéfiques se font sentir après 6 à 8 semaines seulement. Donc ce doit être un défi à long terme.

Pour en revenir au jugement, on m’a dit aujourd’hui que j’avais pas besoin de ça. Gratis. Straight de même « pourquoi tu couperais le sucre, t’as pas besoin de ça, toi ». Le lien à ma sacro-sainte minceur était sous entendu, v’voyez. Dans la vie d’une femme, le bonheur absolu réside à pouvoir manger de la poutine, des chips, du chocolat, de la pizza, boire de la bière, ne jamais s’entraîner mais tout de même rester mince. American Dream, mais version ti-peuple québécois.

Cet été, j’ai rien foutu, à 2-3 petites marches lentes près. Rien faite. Niet. Une pâte molle, mais pas trop molle quand même. « Wow, dans le fond c’est vrai que ça sert à rien de faire attention et de se bouger les fesses, j’ai même pas pris une livre ». Ouch. Essoufflée pour courir à mon auto quand il pleut, palpitations à n’en plus finir, sommeil non réparateur, anxiété, spm… Tsé, je veux ben croire que j’ai un petit cul, mais je pourrais tu aussi être bien dans mon corps? Pas de misère à croire qu’il y a des gens plus enveloppés qui se sentent mieux que moi.

Toujours est-il que lundi, je me crinque. J’ai fait comme bien des femmes avant un régime, je prends de la bière en me bourrant de chips, parce que dès lundi, j’ai l’intention de ne pas me chouchouter. Out les dessert, la bière, le sucre dans les recettes, les aliments préparés qui en contiennent. Je vais commencer doucement avec les choses évidentes au goût sucré, genre mes belles Mini-Wheat, les trop fréquents capuccinos glacés, les gelatos, le stout cake, la réglisse, la root beer, les pains burgers briochés, la bière... Et tant qu’à vouloir enlever l’attrait du sucre, aussi bien couper le faux aussi. Les menthes, la gomme…

Avant de « raccrocher », parce qu’on est maintenant lundi le 18 et que ce texte n’est pas encore complet… je vais terminer ce témoignage touchant en disant à tous ceux qui me trouvent chanceuse d’être mince que j’ai déjà souffert de troubles alimentaires. Rien qui aurait pu me tuer, mais j’ai arrêté de manger presque complètement pendant quatre mois quand j’étais ado. J’ai perdu une quarantaine de livres à ce moment. Outre perdre mes cheveux, arrêter mes règles et ruiner ma santé mentale et ma relation avec la nourriture, je n’ai pas vraiment eu de séquelles. Maintenant que je n’ai plus cette peur phobique d’engraisser et que je ne mange plus mes émotions, après plus de 20 ans de travail acharné sur ma personne, j’ai envie de faire l’expérience scientifique de l’arrêt du sucre. Juste pour voir ce que ça fait. Il y a peu de gens qui peuvent revenir nous raconter c’est comment la mort, mais vivre sans sucre pendant un moment, ça se fait.


À tout de suite!

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